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Recensements de la population à partir de 1850

Langue

Des régions linguistiques distinctes

Le plurilinguisme est ancré dans l’identité de la Suisse. Chaque langue nationale est toutefois liée à une région bien définie, comme l’a montré le recensement de la population depuis le milieu du XIXe siècle. La plupart des communes ont une langue clairement prédominante.

Les frontières linguistiques qui se sont formées au fil des siècles n’ont que peu changé depuis 1860. La frontière entre les régions alémanique et francophone traverse le Valais et les Alpes, le canton de Fribourg jusqu’au lac de Morat, longe le lac de Bienne pour finalement traverser le Jura. Dans le Jura bernois, les plus grands changements ont eu lieu pendant la deuxième partie du XIXe siècle, lorsque l’industrialisation a attiré des familles alémaniques dans la région.

La région linguistique italienne se limitait alors au canton du Tessin et aux vallées méridionales des Grisons, bien que des communautés italophones se soient formées sur le Plateau avec l’arrivée au XXe siècle de travailleurs italiens.

Le romanche fait exception, la région dans laquelle il est parlé s’étant notablement réduit depuis 1860. Cette année-là, elle formait une région d’un seul tenant qui s’est effritée au fil du temps, le romanche cédant de plus en plus le pas à l’allemand.

Langue nationale dominante

1860
Langue nationale dominante, en 186040608040256080402525608040256080Prédominance de la langue nationale en part de la population, en %Majorité allemandMajorité italienMajorité romancheMajorité français

Cette carte montre la prédominance de la langue nationale en part de la population dans les communes suisses en 1860.

2010–2014*
Langue nationale dominante, en 2010–2014* 2010–2014 cumulé. Les résultats se basent sur cinq relevés structurels annuels consécutifs. Les personnes interrogées pouvaient indiquer plusieurs langues principales. Pour d'autres informations à ce sujet, consultez la page Méthodologie.40608040256080402525608040256080Prédominance de la langue nationale en part de la population, en %Majorité allemandMajorité italienMajorité romancheMajorité français

Cette carte montre la prédominance de la langue nationale en part de la population dans les communes suisses (données cumulées, 2010-2014).

Maison où est né le peintre Alois Carigiet à Trun (GR), 2002

Langues relevées dans les recensements de la population depuis 1860

La Constitution fédérale de 1848 définissait l'allemand, le français et l’italien comme langues nationales officielles. Jusque-là, la Suisse n’était officiellement «que» germanophone. Les Rhéto-romans ont dû patienter jusqu’en 1938 pour voir leur langue reconnue comme langue nationale. Pourtant le recensement de la population de 1860 relevait déjà les quatre langues nationales.

Les langues nationales

L'allemand était la langue la plus utilisée en Suisse lors du premier recensement de la population. Elle l'est toujours aujourd’hui: près des deux tiers de la population suisse sont germanophones. Leur part a toutefois diminué à 63% environ après 1960. Dans le même temps, la part des personnes ne parlant pas une langue nationale augmentait, comme celle des francophones.

Répartition des langues en Suisse

Ce graphique montre l'évolution des langues nationales et non nationales de 1860 à 2014.

Drapeaux des cantons de la Suisse

Les Suisses alémaniques émigrés dans le Jura

Le Jura bernois et des parties du canton du Jura actuel comptent parmi les quelques régions où la frontière linguistique s’est déplacée au cours des 150 dernières années. L’allemand s’y est fortement répandu vers la fin du XIXe siècle, au point que quelques îlots germanophones se sont formés au nord et au nord-ouest du lac de Bienne. La carte animée montre toutefois clairement que le poids de l’allemand s’est remis à diminuer depuis plusieurs décennies.

La progression de l’allemand est certainement liée à la migration interne: des familles sont parties de Suisse alémanique pour s’installer dans la région, afin de travailler dans l’industrie horlogère. Le fait que ces enclaves linguistiques aient disparu ensuite s'explique par l’intégration des Alémaniques. Les Suisses alémaniques se sont adaptés à leur nouveau contexte linguistique, grâce aussi à l’école obligatoire et au prestige de la langue française.

Population avec l'allemand
comme langue principale

Cette carte montre l'évolution de la population avec l'allemand comme langue principale dans les communes suisses de 1860 à 2014.

Delémont (Delsberg en allemand) est un bon exemple de cette évolution: de nombreux Suisses alémaniques s’y sont installés pendant l’industrialisation, de sorte qu’ils représentaient 43% de la population de la ville en 1888. Leur part était toutefois déjà retombée en dessous des 30% en 1920. Aujourd’hui, Delémont est presque essentiellement francophone.

Dans le Jura bernois, seules les petites communes de Mont-Tramelan, Rebévelier, Schelten et Seehof sont aujourd’hui majoritairement alémaniques; à Romont (BE), les parts de francophones et de germanophones sont comparables.

Répartition des langues à Delémont

Ce graphique montre l'évolution de la répartition des langues à Delémont de 1860 à 2014.

Répartition des langues dans l'actuel Jura bernois

Ce graphique montre l'évolution de la répartition des langues dans l'actuel Jura bernois de 1860 à 2014.

Delémont, 2013
La Neuveville, Jura bernois, 2013

Comment Sierre et Sion sont devenues francophones

Le français n’a pas réussi à étendre ses frontières linguistiques depuis le milieu du XIXe siècle, malgré une légère hausse de la part de francophones ces dernières décennies.

L’évolution des villes de Sion et de Sierre est intéressante. Ces deux communes du Bas-Valais francophones étaient à l’époque majoritairement germanophones. Lors du recensement de la population de 1860, la population de la ville de Sierre, située à la frontière linguistique, comptait encore trois quarts de germanophones, contre 42,9% à Sion. Ces parts n’ont cessé de diminuer pendant un demi-siècle: aux alentours de 1920, ces deux communes s’étaient totalement fondues dans leur environnement francophone.

Population avec le français
comme langue principale

Cette carte montre l'évolution de la population avec le français comme langue principale dans les communes suisses de 1860 à 2014.

Répartition des langues à Sierre1

Ce graphique montre l'évolution de la répartition des langues à Sierre de 1860 à 2014.

Lac de Géronde, Sierre

Vers des rivages ensoleillés

La part de germanophones n'a cessé d’augmenter jusqu’à aujourd’hui le long du lac Léman, du lac Majeur (TI) et aux Grisons. Le climat plus agréable du Sud et des montagnes est certainement une des raisons ayant poussé des Alémaniques à venir s’installer dans ces régions. Cette fuite vers des contrées plus ensoleillées est particulièrement marquée vers Ascona et Locarno (TI), où se sont installés de nombreux germanophones. Cette migration interne du Nord au Sud avait déjà commencé avant la Première Guerre mondiale. Ce que les amoureux du Tessin ignorent pour la plupart, c’est que la part des germanophones dans la région était même nettement plus élevée entre 1940 et 1980 qu’aujourd’hui.

Piazza Grande, Locarno, 2008

Répartition des langues à Ascona

Ce graphique montre l'évolution de la répartition des langues à Ascona de 1860 à 2014.

Répartition des langues à Orselina1

Ce graphique montre l'évolution de la répartition des langues à Orselina de 1860 à 2014.

L’italien: une carte des gros chantiers

La carte qui présente l’évolution de la part des italophones au fil du temps ressemble jusqu’en 1970 à une carte des gros chantiers. Les ouvriers qui ont construit le tunnel du Gothard (vers 1880) et celui du Lötschberg (vers 1910) puis, plus tard, les autoroutes et les centrales électriques et ceux qui travaillaient à l’époque dans les fabriques venaient pour la plupart d’Italie.

Ce phénomène ressort clairement du diagramme représentant la part d’italophones dans toutes les communes de Suisse. Presque toutes les valeurs aberrantes, correspondant à une hausse marquée de la part de la population italophone, sont liées à l’ouverture d’un gros chantier. À noter que l'effet de ces hausses marquées ne s’est jamais fait sentir pendant plus d’un recensement de la population.

Population avec l'italien
comme langue principale

Cette carte montre l'évolution de la population avec l'italien comme langue principale dans les communes suisses de 1860 à 2014.

Répartition des italophones dans chaque commune

Ce graphique montre l'évolution de la part des italophones dans chaque commune de 1860 à 2014. Avec une mise en évidence des communes de Göschenen, Ferden, Steg-Hohtenn et Ferrera.

Les chiffres du recensement de la population de 1970 montrent également que l’immigration de personnes venues d’Italie est une conséquence du statut de saisonnier dont bénéficiaient à l’époque avant tout des Italiens. Les parts d’italophones ont augmenté dans bon nombre de communes du Plateau suisse et le long de la route du Gothard, pour atteindre entre 10 et 20%.

Saisonniers dans l’hôtellerie, 1992

Population avec l'italien comme langue principale

1970
Population avec l'italien comme langue principale, en 197010203040506070Part de l'italien comme langue principale dans la population totale, en %

Cette carte montre la part de la population avec l'italien comme langue principale dans les communes suisses en 1970.

Le romanche sur le déclin

Aux Grisons, l’allemand supplante le romanche. Il n’y a pratiquement plus de Rhéto-romans qui ne parlent pas aussi l’allemand. Entre 1980 et 1990, la part des germanophones a rattrapé celle des romanchophones dans la région des communes traditionnellement rhéto-romanes.

Le romanche écrit a commencé à perdre de son importance à la fin du XVIIIe siècle déjà. Le tourisme et l’industrialisation au XIXe siècle ont freiné l’utilisation du romanche à l’oral. L’influence de la culture et de la bureaucratie germanophones s’est dans le même temps étendue. Il a fallu sensibiliser la population à la menace que cela représentait pour le romanche. Des manuels scolaires en romanche ont paru, des associations linguistiques et culturelles ont été créées au XVIIIe siècle déjà. Depuis 1919, la Lia Rumantscha s'engage pour la défense du romanche en tant qu’organisation faîtière des associations rhéto-romanes régionales.

Population avec le romanche
comme langue principale

Cette carte montre l'évolution de la part de la population avec le romanche comme langue principale dans les communes suisses de 1860 à 2014.

Répartition des langues dans les communes traditionnellement romanches

Ce graphique montre l'évolution de la part des romanchophones dans les communes traditionnellement romanches de 1860 à 2014.

Enseignement en Rumantsch Grischun (romanche des Grisons), 1996
Agriculteur lisant le journal rhéto-roman
"Fögl Ladin" à Ramosch (GR), 1994

Langues non nationales

D’un phénomène touristique à un phénomène de masse

Le fait que des personnes habitant en Suisse indiquent comme langue principale une langue qui n'est pas une des quatre langues nationales est un phénomène relativement récent. En 1880 déjà, Davos (GR) et les communes situées à l’époque sur le territoire de la commune actuelle de Montreux (VD) ont vu se développer, sous l’effet du tourisme, une importante minorité d’allophones (Davos: 10,8% et Montreux: 8,6%), composées par exemple de touristes curistes de longue durée.

À partir de 1960, de plus en plus d’allophones ont commencé à s’établir dans plusieurs communes de Suisse dans le contexte de boom économique de l’époque. Leur part a continué de croître dans les années 1990, suite à l’immigration de réfugiés fuyant les guerres de Yougoslavie. De manière générale, le pluralisme de la société et, partant, du paysage linguistique s'est accentué sous l'effet de la globalisation.

Population avec une langue non nationale
comme langue principale

Cette carte montre la part de la population ne parlant aucune des langues nationales dans les communes suisses de 1860 à 2014.

Montreux, vers 1900

Encadré

Comment l’information a-t-elle été relevée?

Une seule langue par ménage était relevée lors des recensements de la population de 1860 et de 1870. À partir de 1880, la langue était relevée au niveau de la personne. Cette «langue principale» était désignée par le terme de «langue maternelle» jusqu’en 1980. La définition de la langue maternelle était celle de la langue dans laquelle la personne pense et qu’elle maîtrise le mieux. Le terme de «langue principale» s'est développé au fil des ans pour supplanter celui de «langue maternelle» en 1990, afin de mieux correspondre à la pratique linguistique actuelle des personnes interrogées.

Traitement des données pour l’analyse

Depuis 2010, l’information sur la langue se base sur des échantillons groupés sur plusieurs années. (données cumulées des relevés structurels de 2010 à 2014). Pour d'autres informations à ce sujet, consultez la page Méthodologie.

Outre la méthode de relevé, la manière dont sont saisies les indications relatives aux langues a aussi changé à partir du recensement de 2010. Les personnes interrogées peuvent désormais indiquer plusieurs langues principales et non plus une seule. Toutefois, une seule langue principale peut être retenue pour les personnes plurilingues, si l’on veut pouvoir intégrer ces indications dans la série des données du recensement de la population. On procède comme suit pour définir la langue principale dans ce cas:

  • On privilégie les langues nationales.
  • Pour les personnes ayant déclaré plusieurs langues nationales comme langues principales, on retient la langue régionale (langue de la commune de domicile).
  • Le romanche est systématiquement retenu chez les personnes qui l’ont déclarée comme langue principale.

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